Cadavres sur internet! Vendus!

Publié le par Oh... la Vie

 

photo_1On a tous encore en mémoire le tollé suscité par des expositions comme «Body Worlds» ou «Our Body», dans lesquelles on pouvait voir des cadavres «plastinés» poser dans toutes sortes de position, comme s’ils étaient encore vivants.

 


Plastinés ? Le mot n’existe pas, mais il dérive de la technique employée, la plastination (aussi appelée imprégnation polymérique), qui consiste à remplacer les liquides organiques du corps humain par de la silicone afin de préserver les tissus biologiques des cadavres. Cette technique a été créée en 1977 par l’anatomiste allemand Gunther von Hagens. C’est lui aussi qui en premier a eu l’idée d’exposer aux yeux du public ces corps morts et déjà quasiment immortalisés et qui plus récemment s’est mis à en faire le commerce sur le site web de son entreprise, Plastination Products.

«Cliquez, soyez étonnés, achetez !» Voilà le slogan du site qui clame que plus de 31 millions de personnes ont déjà pu admirer les expositions proposées par von Hagens et que l’intérêt et que la demande pour des spécimens de qualité pour la recherche et l’éducation n’a cessé de grandir, de là l’existence du site.

<em>Une capture d’écran d’une page du site web de Plastination Products, avec le prix de vente du cadavre plastiné.</em>

Une capture d’écran d’une page du site web de Plastination Products, avec le prix de vente du cadavre plastiné.


Pour un minimum d’environ 97 000 $ (70 000 euros), on peut se procurer l’un des cadavres plastinés du bon docteur allemand. À mettre dans un coin de son salon ou de la salle à coucher, question de garder grand-mère près de soi à tout jamais ? Que nenni. Il est spécifié sur le site que seuls les utilisateurs «qualifiés» peuvent faire un tel achat. Et de définir cette qualification par le fait de fournir la preuve que l’on a un intérêt scientifique ou éducatif. On prend soin de souligner que les transactions de paiement se font directement avec les institutions et que le «colis» est expédié directement à l’adresse de l’institution, sans distributeur. Et ensuite ? Qui dit que ledit cadavre ne se retrouvera pas un jour aux enchères sur eBay ?

 

Nombreux sont ceux qui arguent que ces cadavres sont des outils des plus pratiques pour les chercheurs et les étudiants. Le problème reste en fait éthique. Qui sont ces cadavres ? Selon le porte-parole de Plastination Products dans une entrevue accordée au magazine en ligne Rue89, les gens qui ont déjà donné leurs corps à l’Institut de plastination l’ont fait suite à leur fascination pour les expositions Body Worlds. Et ce porte-parole d’ajouter, sans rire, que c’est peut-être aussi pour économiser le prix élevé des funérailles que ces gens font ce choix, un argument repris, toujours sans rire, par le Dr. Régis Olry, de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Cet acolyte du docteur allemand et responsable de l’introduction de cette technologie en France et au Québec a déclaré que la plastination était « Une méthode bien plus économique pour les familles que des funérailles traditionnelles, y compris l’incinération». Il n’en coûte en fait rien pour se faire plastiner, on n’a qu’à défrayer les coûts du transport de son cadavre jusqu’à un institut de plastination.

La compagnie allemande aurait actuellement 12 000 cadavres enregistrés, qui viendraient de partout dans le monde et qui auraient accepté, avant leur mort, d’être ensuite plastinés.

En 2004, le magazine allemand Der Spiegel avait écrit que certains des cadavres acquis et exhibés par le docteur étaient en fait des prisonniers exécutés en Chine. À cette déclaration, il avait répondu qu’il ne connaissait pas l’origine de ces corps et avait clôt le débat en brûlant une partie des cadavres controversés.

<em>Le «Penseur» selon Von Hangens : une valeur scientifique ou artistique ?</em>

Le «Penseur» selon Von Hangens : une valeur scientifique ou artistique ?


Certains pays répriment l’importation de tissus humains à fins thérapeutiques, mais peu ont des lois sur leur importation à des fins mercantiles. Von Hagens justifie la validité de son commerce par son intérêt scientifique, mais aussi par la qualité «artistique» de ces morts-vivants. «La plastination permet de redonner vie à cette idée d’une symbiose entre l’art et l’anatomie. Elle stoppe la décomposition et la dessiccation si parfaitement que l’anatomie humaine conserve son esthétique intrinsèque», déclare-t-il dans une brochure destinée à expliquer leur démarche aux futurs donneurs de leur corps.

 

L’Allemagne ne semble pas bouleversé outre mesure par ce genre de commerce, même si l’Église catholique a demandé au gouvernement de l’interdire. Pourtant certaines personnes, comme le philosophe Pierre Le Coz, vice-président du Comité consultatif national d’éthique de France, est plus que troublé par ce genre de démarches. Selon lui, «la dernière fois qu’on a utilisé les corps de gens pour faire de l’argent, c’était dans les camps de concentration. Les nazis récupéraient des dents en or, des cheveux, etc, sur les dépouilles pour faire de l’argent».

Entre l’exposition et la vente d’animaux empaillés et celles de cadavres humains conservés par plastination, y a-t-il une différence ?

 

Publié dans Insolites

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